Ma carte blanche du 25 mai, intitulée ici même : « Minimiser le crime, c’est déjà le nier », apporte, d’entrée de jeu, toutes les réponses adéquates aux objections que me présente Simon Gronowski.
Nous tombons d’accord, lui et moi, sur l’essentiel : le devoir de mémoire (et le droit à la mémoire) sans omission ni altération des faits relatifs à la Shoah.
Le grand historien Raul Hilberg rappelle que la Shoah, ce ne sont pas seulement les chambres à gaz – qualifiées si gracieusement de « détail de l’Histoire » par Jean-Marie Le Pen – mais elle englobe toute la chaîne des actes criminels : l’identification, le marquage, la spoliation, la déportation qui amenèrent des millions d’êtres vivants dans des camps d’extermination. Et les complicités qui participèrent de ce processus dans l’Europe entière.
A côté du négationnisme brutal et même caricatural qui nie l’Holocauste, il en existe un autre, autrement pernicieux qui, sans nier la réalité du génocide, instille une forme de relativisme nauséabond et un scepticisme faussement bienséant, qui adopte volontiers une posture quasi « scientifique » pour aborder la vérité foncière de la tragédie.
Il n’y a pas matière à controverse concernant le rôle joué par les autorités publiques anversoises dans le cadre des rafles conduites par l’occupant en août 1942.
Or, Bart De Wever n’a guère cessé de présenter l’administration anversoise comme une victime de celles-ci plutôt que d’en reconnaître la responsabilité partagée dans l’accomplissement du scénario mortifère.
Mieux même : il s’emploie à railler un dignitaire qui, comme d’autres ont su le faire, s’inscrit dans une attitude symbolique de repentance.
N’est-ce pas une façon caractérisée de minimiser, banaliser la portée même du meurtre de masse ? Parce que j’ai dénoncé cela, Monsieur De Wever me traîne en justice (et non le contraire !).
Serait-il aberrant, dès lors, de vouloir assurer ma défense devant une cour (quelle qu’elle soit) lors d’un débat sur le fond ? Au lieu que retombe le silence sur des horreurs si largement sous-estimées par certains.
Au lieu de rejeter le principe qu’établit la loi mémorielle de 1995 comme « contre-productif » et susceptible d’engendrer un regain d’antisémitisme, ne s’imposerait-il pas d’en élargir plutôt le champ d’application à d’autres peuples persécutés ?
Etrange pédagogie qui ferait bon marché de l’imprescriptible !
Voltaire, cité de manière bien incongrue, me semble-t-il, par Simon Gronowski, brocardait volontiers Shakespeare. Il aurait pourtant pu, avec profit, entendre cette sentence du grand Anglais : « Le mal que font les hommes vit après eux ».
Que mon interlocuteur se rassure : je ne parle qu’en mon nom. Mais je n’ai guère de penchant pour l’amnésie ni le ponce-pilatisme. Et ne suis pas davantage menacé par le syndrome de Stockholm.