Pierre Mertens Le Blog

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Minimiser le crime, c’est déjà le nier dans Le Soir du 25 mai 2011

In Articles de Pierre Mertens on 11 juillet 2011 at 16 h 36 min

Minimiser le crime, c’est déjà le nier.

L’oubli est une violence

A priori, nous pourrions nous féliciter d’une issue vraisemblable de la procédure à laquelle nous assistons: le constat d’une prescription de l’affaire.

Après tout, un homme nous a traduit en justice, il y a trois ans de cela, et il n’y serait pas parvenu. Tout irait bien qui finirait bien?Sans doute serait-il grandement déçu : il devrait l’être, tout au moins. Eh ! bien, veuillez croire qu’il ne le serait pas autant que moi…

Car tel est le paradoxe où ce monsieur nous a entraînés : il s’est senti offensé par nos propos et il nous a poursuivi en justice. Et pourtant, si nous étions débarrassé de cette affaire, nous serions frustré et en manque de procès. Nous espérions un vrai débat judiciaire, le premier du genre qui se serait déroulé dans notre pays sur une question d’une gravité exceptionnelle – et qui dépasse de loin nos personnes, celle du demandeur comme celle du défendeur.

Le problème du négationnisme qui pollue et plombe notre époque, l’air du temps: cet abcès, il aurait bien fallu le crever?

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« Le pays qui ne s’aimait plus » article de Pierre Mertens dans Le Monde du 5 décembre 2007

In Articles de Pierre Mertens on 11 juillet 2011 at 7 h 40 min

LE MONDE | 05.12.07 | 14h09

Il y a une trentaine d’années, lorsque nous avons, le sociologue Claude Javeau et moi, forgé le concept de « belgitude », nous étions bien loin de penser que cette boutade, via un clin d’oeil appuyé à Léopold Sédar Senghor et Sullerot, résisterait à l’épreuve du temps.

N’avions-nous pas voulu souligner seulement que, à la différence de maints représentants des générations antérieures, les savants et les artistes de la nôtre n’avaient plus forcément à prendre le chemin de l’exil pour se voir exister ? Qu’on accordait plus d’attention que par le passé à l’histoire sociale et politique d’où nous émergions ? Et que cela pouvait peut-être aller de pair avec ce que certains pédants appellent « un vouloir vivre ensemble » ? Qu’en reste-t-il aujourd’hui ?

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Pierre Mertens « On ne badine pas avec le crime absolu » dans Le Soir du 21 juin 2011

In Articles de Pierre Mertens on 30 juin 2011 at 20 h 17 min

Ma carte blanche du 25 mai, intitulée ici même : « Minimiser le crime, c’est déjà le nier », apporte, d’entrée de jeu, toutes les réponses adéquates aux objections que me présente Simon Gronowski.

Nous tombons d’accord, lui et moi, sur l’essentiel : le devoir de mémoire (et le droit à la mémoire) sans omission ni altération des faits relatifs à la Shoah.

Le grand historien Raul Hilberg rappelle que la Shoah, ce ne sont pas seulement les chambres à gaz – qualifiées si gracieusement de « détail de l’Histoire » par Jean-Marie Le Pen – mais elle englobe toute la chaîne des actes criminels : l’identification, le marquage, la spoliation, la déportation qui amenèrent des millions d’êtres vivants dans des camps d’extermination. Et les complicités qui participèrent de ce processus dans l’Europe entière.

A côté du négationnisme brutal et même caricatural qui nie l’Holocauste, il en existe un autre, autrement pernicieux qui, sans nier la réalité du génocide, instille une forme de relativisme nauséabond et un scepticisme faussement bienséant, qui adopte volontiers une posture quasi « scientifique » pour aborder la vérité foncière de la tragédie.

Il n’y a pas matière à controverse concernant le rôle joué par les autorités publiques anversoises dans le cadre des rafles conduites par l’occupant en août 1942.

Or, Bart De Wever n’a guère cessé de présenter l’administration anversoise comme une victime de celles-ci plutôt que d’en reconnaître la responsabilité partagée dans l’accomplissement du scénario mortifère.

Mieux même : il s’emploie à railler un dignitaire qui, comme d’autres ont su le faire, s’inscrit dans une attitude symbolique de repentance.

N’est-ce pas une façon caractérisée de minimiser, banaliser la portée même du meurtre de masse ? Parce que j’ai dénoncé cela, Monsieur De Wever me traîne en justice (et non le contraire !).

Serait-il aberrant, dès lors, de vouloir assurer ma défense devant une cour (quelle qu’elle soit) lors d’un débat sur le fond ? Au lieu que retombe le silence sur des horreurs si largement sous-estimées par certains.

Au lieu de rejeter le principe qu’établit la loi mémorielle de 1995 comme « contre-productif » et susceptible d’engendrer un regain d’antisémitisme, ne s’imposerait-il pas d’en élargir plutôt le champ d’application à d’autres peuples persécutés ?

Etrange pédagogie qui ferait bon marché de l’imprescriptible !

Voltaire, cité de manière bien incongrue, me semble-t-il, par Simon Gronowski, brocardait volontiers Shakespeare. Il aurait pourtant pu, avec profit, entendre cette sentence du grand Anglais : « Le mal que font les hommes vit après eux ».

Que mon interlocuteur se rassure : je ne parle qu’en mon nom. Mais je n’ai guère de penchant pour l’amnésie ni le ponce-pilatisme. Et ne suis pas davantage menacé par le syndrome de Stockholm.